L'économiste du Togo

Une voie de financement pour les PME

En Afrique, les Petites et moyennes entreprises (PME) représentent plus de 90 % du tissu économique dans la majorité des pays et contribuent à près de 40 % du produit intérieur brut (Pib), selon les données de la Banque mondiale. Elles sont omniprésentes, essentielles pour la création d’emplois, la transformation locale et la résilience sociale.

Pourtant, leur croissance est constamment freinée par l’accès au financement. Les systèmes bancaires traditionnels, centrés sur le risque et la rentabilité à court terme, n’ont pas été conçus pour accompagner l’amorçage entrepreneurial. Ils interviennent majoritairement lorsque l’entreprise a atteint une certaine maturité, c’est-à-dire une “vitesse de croisière” rassurante pour l’octroi de crédits. Or, c’est bien avant ce stade que les jeunes entreprises ont besoin d’un soutien structurant.

Ce constat, largement partagé, a de nouveau été mis en évidence lors du Benin investment forum tenu à Cotonou les 8 et 9 mai derniers. L’un des intervenants, Stanislas Zézé, président de Bloomfield investment corporation, une agence de notation africaine, a été réaliste en dressant un tableau sans complaisance.

« Il est vain d’espérer que les banques changeront leur modèle. Elles ne sont pas structurées pour financer l’amorçage. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ce sont des mécanismes adaptés, construits pour nos Pme », a-t-il indiqué.

Selon l’expert en financement, la réponse se trouve dans les fonds d’investissement à taille humaine, calibrés selon les besoins réels des petites entreprises africaines. Contrairement aux grands fonds internationaux, souvent tournés vers des projets de plusieurs milliards, il suggère de créer des instruments capables d’investir dans des tickets allant de 50 millions à 2 milliards de francs CFA.

Ce type de fonds permettrait non seulement d’apporter du capital, mais aussi un accompagnement complet comprenant le renforcement de la gouvernance, la structuration de l’entreprise, la mise en réseau, l’appui technique. Ce sont autant de leviers qui sécurisent l’investissement, tout en augmentant les chances de survie et de développement de la Pme. Cette proposition cadre parfaitement avec ce qui se fait déjà au Bénin avec d’une part, la création de l’Agence de développement des petites et moyennes entreprises (Adpme) qui a vocation à fédérer et à mettre en cohérence l’ensemble des interventions publiques en appui aux Micro, petites et moyennes entreprises (Mpme) avec une offre intégrée d’accompagnement, d’orientation et de financement.

 D’autre part, la création du Fonds national de développement agricole (Fnda) qui a pour vocation de promouvoir l’investissement privé dans le secteur agricole et de l’orienter par des subventions ciblées et des instruments financiers adaptés.

Porte de sortie

Selon Stanislas Zézé, ce type de fonds partage les mêmes risques que les entrepreneurs, ce qui crée un alignement d’intérêt inédit. « Si la Pme échoue, le fonds perd son investissement. Ce risque partagé encourage une implication plus forte dans la réussite de l’entreprise », a-t-il clarifié. Pour garantir la viabilité de ces fonds, il faut aussi penser à leur sortie du capital. L’expert financier informe que la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm) a anticipé cette étape en créant un compartiment dédié aux Pme.

Ce marché secondaire permettrait aux fonds de revendre leurs parts après 5 à 7 ans, une fois l’entreprise stabilisée. Cela ouvre la voie à un modèle vertueux avec des Pme qui sont financées, accompagnées, puis valorisées en bourse. Le fonds récupère son investissement et d’autres peuvent en profiter. La création de ces outils financiers ne doit pas dépendre de l’extérieur. Le Pdg de Bloomfield investment corporation insiste sur le fait que les fonds d’investissement à taille Pme doivent être conçus et alimentés par des Africains.

« Ceux qui font les fortunes africaines ou les structures africaines qui pourraient rentrer dans ces capitaux pour former ce fonds d’investissement, comprendront qu’il y a une logique de développement derrière. Pas seulement une logique de profit », a-t-il souligné. Mais aujourd’hui, les banques ont aussi compris et mettent en place des lignes de garantie aux Pme en partenariat avec des structures d’investissement.

La proposition d’un modèle de financement combiné equity en première phase, dette bancaire en seconde phase semble aujourd’hui la plus crédible. Ce modèle permettrait d’établir une chaîne cohérente de financement comprenant amorçage par des fonds spécialisés et croissance financée par les banques.

Ce changement de paradigme, s’il se concrétise, pourrait enfin sortir l’Afrique du cycle interminable des discours sur le financement des Pme et offrir aux économies du continent une base solide pour leur souveraineté économique. Plusieurs pays africains dont le Bénin sont sur le chemin avec espoir de créer des entreprises robustes et compétitives à travers ses instruments financiers.

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