L’ambition des pays africains au sud du Sahara est d’accélérer leur développement industriel. Aucune stratégie ne réussira à être efficace, socialement responsable et durable sans intégrer les populations des zones rurales (57 % de la population).
Le principal défi est de transformer une économie dépendante de financements et d’investissements extérieurs en une économie dynamique et diversifiée qui génère une valeur endogène compétitive. Impossible de le faire avec une « industrialisation sur invitation » (Arthur Lewis), qui privilégie la quantité plutôt que la qualité.
Dans les années 1950 et 1960, ce type d’invitation a entrainé une stagnation de l’investissement intérieur africain et une croissance territoriale inégale et trop concentrée, avec les conséquences socio-économiques d’une migration rurale-urbaine accélérée. Encore pire, ces politiques ont accru la dépendance à l’égard des flux de capitaux étrangers et ses modèles importés.
Aucune loi stipule que l’industrialisation est synonyme d’industries lourdes qui vont à l’encontre des avantages compétitifs d’un pays. Rien n’oblige non plus à poursuivre une libéralisation à outrance des marchés financiers ou à privatiser les ressources minières et naturelles en faveur d’investisseurs étrangers.
Ces « théories » conventionnelles du développement conduisent au chaos, à l’instabilité, aux pièges de l’aide liée, à une dette colossale et à une crise financière… et à des coups d’État pour récupérer un minimum de souveraineté.
Déclencher une industrialisation accélérée exige avant tout définir les scénarios possibles (et réalistes) dans lesquels les industries locales peuvent reconquérir leur marché intérieur et simultanément mieux exploiter le potentiel du marché régional et continental.
Il faut ensuite conditionner l’invitation et les incitations à l’IDE. Toute proposition de projet industriel devrait : 1) préciser sa stratégie pour renforcer les capacités locales et contribuer à l’évolution d’activités locales de production à petite échelle vers une plus grande échelle; et 2) favoriser le dialogue et la concertation avec l’ensemble des acteurs ruraux pour déterminer les infrastructures et le capital social nécessaires qui permettront de créer des entreprises locales, par exemple des ateliers de fabrication de biens de consommation de base destinées au commerce intérieur et à l’export sous-régional.
Ça permettra d’augmenter les revenus des ménages ruraux; de créer des chaînes d’approvisionnement locales; de développer une main-d’œuvre disciplinée; de stimuler l’innovation, le progrès technologique et les gains de productivité; et d’encourager une production locale à part entière dans les industries légères.
Les impôts (raisonnables) contribueront à la construction de routes locales et à la conséquente réduction des coûts de transport, ainsi qu’au renforcement des réseaux de distribution commerciale et des organisations interprofessionnelles, tandis qu’une concurrence accrue entre les entreprises locales motivera à terme la naissance de grandes entreprises nationales compétitives.
C’est une simple question d’innovation dans la mise en œuvre de politiques économiques saines, pour briser les chaînes de dépendance.