La croissance béninoise est plus que solide, elle a rebondi depuis la pandémie de coronavirus, située à plus de 7 % en 2021 et au premier semestre 2022, grâce à l’agriculture, surtout le coton – premier produit d’exportation – et véritable moteur du bond en avant du Bénin.
Le Bénin a même changé de catégorie en 2020 en devenant un pays à revenu intermédiaire, et cela alors que le pays n’a pas voulu bénéficier de l’initiative G20 de suspension du paiement des échéances de dette (ISSD) pour faire face à la pandémie. Un événement majeur, passé un peu inaperçu mais qui permet à l’ancien Dahomey de quitter pour la première fois de son histoire la catégorie des pays à faible revenu et de rejoindre le groupe de pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, ou encore le Maroc. D’après les calculs des économistes de l’institution internationale, le revenu par habitant est passé de 870 dollars à 1 250.
Comment le Bénin s’est extirpé des chocs successifs
Il faut le souligner, le pays revient de loin. Il a dû faire face à de nombreux chocs exogènes, tels la fermeture des frontières avec le voisin nigérian, la pandémie de Covid-19, la crise russo-ukrainienne, etc. Face à ces situations difficiles, le gouvernement béninois a apporté des réponses jugées volontaristes, entre subventions, blocages des prix et surtout une inflation contrôlée, qui s’est située autour de – 1,7 % en 2021 selon la Banque mondiale contre une moyenne régionale à + 6,8 %, selon les données de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Le déficit ainsi que la dette, évaluée à 49,7 %, semblent également maîtrisés. « Les efforts considérables déployés par les autorités béninoises en matière de recouvrement des impôts et de redéfinition des priorités en matière de dépenses complètent les financements du FMI, ce qui permet au Bénin de faire face aux dépenses imprévues liées à la guerre prolongée en Ukraine et aux retombées des risques sécuritaires régionaux », a déclaré le directeur général adjoint et président par intérim du FMI, Kenji Okamura, tout en appelant le gouvernement à poursuivre ses efforts d’assainissement budgétaire pour disposer d’une marge de manœuvre qui leur permettrait de répondre aux importants besoins de développement du pays.
La transformation du modèle économique en jeu
Les mesures ne se sont pas arrêtées là. Les autorités ont lancé des grands projets dans des secteurs clés comme le tourisme, le numérique et l’industrie. Objectif : transformer structurellement l’économie béninoise, jugée par certains encore trop dépendante du coton, trop peu pourvoyeuse d’emplois ou encore pas assez ouverte pour le secteur privé local. Pour ce faire, le président Talon mise sur la zone économique de Glo Djigbé, situé à 45 kilomètres de Cotonou, la capitale économique.
Car le petit État d’Afrique de l’Ouest a beau être le premier producteur de coton d’Afrique, il exporte quasiment la totalité de cette matière première, notamment vers le Bangladesh. Aujourd’hui, le but est de transformer localement son coton pour devenir un acteur à part entière du secteur de la confection au niveau mondial. D’autres secteurs sont concernés par ce mégaprojet, notamment l’agriculture, avec la transformation locale de l’acajou, l’assemblage de motos ou la production de jus de fruits. Et ça marche ! Le pays voit affluer sur son sol des investisseurs étrangers, notamment asiatiques.
À la clé de nombreux avantages dont des exonérations d’impôt, de droit de douane, de taxe, etc. En contrepartie, ces investisseurs devront davantage œuvrer dans le social. Car à la différence de l’Éthiopie, qui a beaucoup misé sur la main-d’œuvre à bas coût, Cotonou entend changer d’approche avec un modèle d’industrialisation qui devra déboucher sur la redistribution des richesses créées sur place. Dans ce sillage, le gouvernement béninois est entré dans une nouvelle phase de son PAG et fait augmenter le smig (salaire minimum interprofessionnel garanti) de 40 000 (environ 61 euros) à 52 000 francs CFA (environ 79 euros), une promesse du président Talon obtenue après des négociations avec les syndicats.
Entre satisfécit et défis
Ce volontarisme a valu au Bénin l’approbation de l’agence de notation Fitch, qui a relevé par deux fois la note du pays, désormais à B + avec perspective stable. L’agence de notation panafricaine Bloomfield Investment Corporation a, de son côté, en notation souveraine en monnaie locale (CFA), confirmé la note de long terme A avec une perspective stable attribuée il y a un an à l’État du Bénin. La capacité du pays a mobiliser des ressources à l’international a été renforcée ces dernières années, preuve s’il en fallait une que Cotonou a la confiance des investisseurs. Les autorités sont régulièrement saluées pour leur capacité à assurer le service de la dette publique malgré une hausse contenue de l’endettement.
Mais attention, le plus dur est à venir, car un cinquième de la population de ce pays de 12 millions d’habitants vit avec moins de 1,90 dollar par jour, selon les données de la Banque mondiale. Surtout, l’insécurité due aux groupes terroristes qui font pression depuis le Burkina Faso et le nord du pays ainsi que la hausse du coût de la vie liée à la guerre en Ukraine menacent les récents gains économiques, a averti le Fonds monétaire international en juillet dernier. Un avertissement qui n’a pas échappé aux partis politiques qui ont pris part aux joutes électorales de dimanche, ceux de l’opposition entendent dans tous les cas pouvoir enfin peser sur les prochaines réformes politiques et… économiques.
Le point Afrique