Sans se montrer alarmistes, les économistes du Fonds Mondial International (FMI) constatent que les pays africains présentent une charge alourdie de la dette, alors que les besoins sont nombreux. Ils privilégient la piste de l’augmentation des recettes.
« Comment éviter une crise de la dette en Afrique subsaharienne ? », s’interrogent plusieurs économistes dans une tribune publiée par le site du FMI.
Reprenant les conclusions d’une étude publiée ce 26 septembre par l’institution monétaire, ils constatent que la dette publique dans la région atteint des niveaux « jamais observés depuis des décennies ».
Le ratio d’endettement moyen en Afrique subsaharienne a presque doublé en seulement dix ans, passant de 30 % du PIB à la fin de 2013 à un peu moins de 60 % du PIB à la fin de 2022. Le coût du remboursement de cette dette a lui aussi augmenté.
Un quart environ des pays de la région conservent une certaine marge de manœuvre budgétaire et peuvent l’utiliser pour maintenir, voire augmenter, leurs investissements vitaux dans le capital humain et physique.
Plus grave : « le ratio paiement d’intérêts/recettes, un paramètre essentiel pour évaluer la capacité d’un pays à assurer le service de sa dette et pour prédire le risque de crise budgétaire, a été multiplié par plus de deux depuis le début des années 2010 et représente désormais près de quatre fois celui enregistré dans les pays avancés », observent-ils.
En 2022, plus de la moitié des pays à faible revenu en Afrique subsaharienne présentaient un risque de surendettement élevé ou étaient en situation de surendettement, d’après les évaluations du FMI.
Ces tendances laissent craindre l’imminence d’une crise de la dette dans la région. Pour l’éviter, l’analyse du FMI répertorie cinq mesures que les gouvernements d’Afrique peuvent prendre pour préserver la viabilité des finances publiques tout en réalisant les objectifs de développement.
Premièrement, définir un cap. Autrement dit, redonner un ancrage à la politique budgétaire en élaborant une stratégie réaliste à moyen terme.
Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, la politique budgétaire accorde une place excessive aux objectifs de court terme et ne s’inscrit dans aucune stratégie à moyen terme claire. « Cette absence d’ancrage se traduit par des manquements aux règles budgétaires et des niveaux de dette toujours plus élevés. »
Rééquilibrage budgétaire
Il serait préférable de fixer des cibles d’endettement précises qui tiennent compte des arbitrages entre viabilité de la dette et objectifs de développement, plutôt que se focaliser sur les déficits budgétaires à court terme.
Deuxièmement, les pays doivent réaliser un rééquilibrage budgétaire pour ramener la dette à un niveau « plus prudent ». Selon les calculs du FMI, la plupart des pays africains devront réduire leur déficit budgétaire dans les prochaines années de l’ordre de 2 % à 3 % du PIB.
« Un tel rééquilibrage semble possible », jugent les économistes, qui rappellent les efforts passés des pays africains en la matière.
D’ailleurs, un quart environ des pays de la région conservent une certaine marge de manœuvre budgétaire et peuvent l’utiliser pour maintenir, voire augmenter, leurs investissements vitaux dans le capital humain et physique.
En revanche, un petit nombre de pays ont besoin d’un assainissement de grande ampleur, qui peut passer par un rééchelonnement de la dette.
Troisièmement, il s’agirait de solliciter les contribuables, autrement dit d’accroître la mobilisation des recettes intérieures. Et les économistes de regretter que trop souvent, « les pays d’Afrique subsaharienne recourent par trop aux coupes dans les dépenses pour réduire leur déficit budgétaire ».
Pourtant, accroître la mobilisation des recettes est moins préjudiciable à la croissance dans les pays où les taux d’imposition initiaux sont faibles, alors que le coût associé à la réduction des dépenses est élevé, au regard des besoins de développement de l’Afrique. La méthode n’est pas facile à réaliser, mais certains pays y sont parvenus, tel le Sénégal.
Quatrièmement, il s’agirait de « consolider la maison », c’est-à-dire de renforcer les institutions budgétaires afin d’améliorer l’exécution des plans. Une réorientation de l’action publique a plus de chances de porter ses fruits si les institutions budgétaires sont fortes et efficientes.
Et les économistes de plaider pour « des contrôles des dépenses efficaces », ce qui suppose de renforcer le cadre budgétaire juridique, d’améliorer l’information sur les finances publiques et de donner des moyens d’action aux organismes de contrôle.
Enfin, une bonne politique doit convaincre les citoyens, afin d’anticiper les réticences aux réformes. « Il convient par exemple d’accorder une attention particulière à la chronologie des réformes et à la prise de mesures compensatoires », recommandent les économistes.