À l’ère où l’intelligence artificielle (IA) avec ChatGPT 4, Gemini ou Copilot, entre autres redéfinit les pratiques de nombreux secteurs, y compris celui des services financiers, quel est l’état de son adoption par ce secteur en Afrique subsaharienne ? Si des initiatives isolées existent, l’adoption généralisée de l’IA reste encore limitée, freinée par des obstacles structurels et contextuels.
Selon Statista, l’industrie mondiale de l’intelligence artificielle (IA) a atteint 241 milliards de dollars en 2023. Sa part devrait augmenter de 30 % par an sur le continent jusqu’en 2030, pour atteindre plus de 15 milliards de dollars.
En 2024, les banques internationales ont investi plus de 150 milliards d’euros dans l’IA, représentant 13 % de leurs investissements, ce qui témoigne du rôle croissant de l’IA dans l’optimisation des services financiers, l’amélioration de l’expérience client et la gestion des risques.
Les Défis Structurels : Une Adoption Encore Freinée
Coût des Données et de l’Énergie En Afrique subsaharienne, l’accès à Internet reste un obstacle majeur : 1 Go de données coûte en moyenne 4,47 USD, soit deux fois plus qu’en Asie du Sud ou en Europe de l’Ouest. Par ailleurs, les infrastructures énergétiques sont insuffisantes, et les coûts élevés de l’électricité freinent l’adoption de technologies avancées comme l’IA qui sont très énergivores.
Cybersécurité et Gestion des Données Les banques locales fréquemment objets à des épisodes de cyberattaques, peuvent souvent manquer de systèmes robustes leur permettant de protéger leurs données et celles de leurs clients. Cette vulnérabilité soulève des questions quant à leur capacité à intégrer des outils d’IA sophistiqués tout en garantissant la sécurité et la conformité
Impact sur l’Emploi et Inclusion Sociale Avec plus de 60 % de la population africaine âgée de moins de 25 ans, l’impact potentiel de l’automatisation sur l’emploi est une préoccupation majeure. L’équilibre entre innovation technologique et création d’opportunités économiques passe par des programmes de formation et de reconversion massive.
Contradictions avec les Objectifs de Développement Durable (ODD)
Si l’IA offre des opportunités immenses, elle peut aussi exacerber les inégalités en l’absence d’inclusivité. Cela pourrait contredire les ODD visant à réduire les disparités socio-économiques, encourager l’énergie propre et promouvoir des pratiques responsables.
🌍 Opportunités offertes par l’Intelligence Artificielle dans les Banques Africaines
Malgré les défis, l’IA représente un potentiel transformateur pour les banques africaines. Xerfi estime que les banques internationales pourraient augmenter leurs revenus annuels de 3 à 5 % d’ici 2025 grâce à la personnalisation rendue possible par l’IA. Ces chiffres restent sous estimés pour ce qui est des banques africaines qui ont un potentiel de croissance énorme compte tenu de la structure des économies africaines en développement et des avantages démographiques qu’offrent le continent le plus jeune au monde. Ci-dessous quelques opportunités qu’elle offre.
1 – Automatisation des Processus et Réduction des Coûts
L’IA permet aux banques de gagner en efficacité opérationnelle en automatisant des tâches répétitives et fastidieuses, telles que le traitement des paiements, la gestion des comptes clients, la conformité. Cela libère les employés pour des activités à plus forte valeur ajoutée, réduisant les coûts. BNP Paribas a réduit de 80 % le temps de traitement des demandes de prêt grâce à l’IA. Cette optimisation a non seulement amélioré la productivité, mais aussi permis de répondre plus rapidement aux besoins des clients.
2 – Personnalisation des Services Clients
L’analyse avancée des données permet aux banques de mieux comprendre les besoins spécifiques de leurs clients et de leur proposer des produits et services personnalisés. L’IA facilite également un support client en continu, accessible 24h/24 et 7j/7. ING Belgium a introduit “Ida”, un assistant virtuel qui traite 70 % des requêtes clients sans intervention humaine. Ce service améliore la satisfaction client en offrant une assistance rapide et personnalisée, tout en réduisant la pression sur les équipes humaines.
3 – Renforcement de la Gestion des Risques
En matière de sécurité et de gestion des risques, l’IA est un atout majeur. Les algorithmes d’apprentissage automatique analysent des volumes massifs de données en temps réel, permettant la détection des fraudes, l’évaluation des risques de crédit de liquidité et de marché mais aussi de réduire les risques opérationnels (surveillance et détection des transactions suspecte).
· Crédit Agricole utilise l’IA pour l’analyse prédictive des risques de crédit, réduisant ainsi le taux de défaut de 23 % sur certains segments de clientèle.
· Crédit Mutuel a réduit de 30 % les pertes liées aux fraudes à la carte bancaire grâce à des algorithmes sophistiqués. Ces outils renforcent la sécurité financière et protègent les clients contre les pertes
📱 Un Parallèle avec le Mobile Money : Une Référence pour l’IA en Afrique
A l’instar du Leapfrog digital que l’Afrique connu l’Afrique avec la pénétration des smartphones dans le secteur financier, l’intelligence artificielle présente un réel potentiel si ce dernier est bien exploité. L’exemple du mobile money, adopté massivement en Afrique, montre que des solutions simples et adaptées peuvent surmonter les contraintes structurelles. Aujourd’hui, 70 % des transactions mondiales de mobile money se font en Afrique. Si l’IA est pensée pour répondre aux besoins spécifiques des Africains — comme l’évaluation alternative des risques ou l’accès aux services 24/7 — elle pourrait déclencher un leapfrog technologique similaire.
🌍 L’Inclusion Financière : Une Promesse à Concrétiser
L’IA pourrait accélérer l’inclusion financière en Afrique, où seulement 34 % des adultes possèdent un compte bancaire. Des outils comme les chatbots, les algorithmes de scoring alternatifs ou les systèmes de détection des fraudes pourraient réduire les barrières d’accès aux services financiers pour les non-bancarisés et les populations rurales.
Cependant, cette transformation nécessite :
Des investissements massifs dans les infrastructures numériques et énergétiques.
Un cadre réglementaire inspiré de l’AI Act européen, pour garantir une utilisation éthique et sécurisée de l’IA.
La formation en masse d’une main-d’œuvre compétente, adaptée aux nouveaux défis technologiques.
🔮 Perspectives : Vers une IA Adaptée aux Réalités Africaines
Les expériences des grandes banques internationales démontrent que l’IA n’est pas seulement une opportunité économique, mais aussi un outil pour transformer durablement le secteur financier. Cependant, pour que l’Afrique subsaharienne tire pleinement parti de cette technologie, il est impératif de relever les défis structurels, d’investir dans les talents locaux et de concevoir des solutions adaptées aux réalités locales.
En s’inspirant des réussites internationales et en misant sur une approche inclusive, l’Afrique peut écrire un nouveau chapitre de son histoire financière, où l’IA devient un moteur d’innovation, de sécurité et d’inclusion.