En Afrique, les changements tectoniques de l’économie mondiale dans un monde plus multipolaire ont déclenché une nouvelle ruée géopolitique pour l’influence diplomatique, stratégique et commerciale et les ressources naturelles du continent.
La compétitivité des grandes puissances dépend de l’accès aux minéraux critiques, au foncier et au capital humain et du contrôle des chaînes d’approvisionnement.
Les gouvernements africains doivent être à la tête de leurs économies, avec des politiques industrielles intelligentes et autonomes.
Au lieu de graviter autour d’activités économiques conditionnées de l’extérieur (telle que l’extraction à valeur ajoutée), l’idolâtrie de modèles industriels étrangers et un concept de modernisation importée (plus c’est grand, mieux c’est), la fragmentation sociale (l’urbain face au rural), la séquestration spatiale (ZES), il est urgent de réfléchir autrement: viser un changement structurel qui s’appuie sur les atouts existants (au lieu de les détruire) ; prioriser les investissements qui répondent à de nouvelles opportunités en ajoutant de la valeur pour les africains d’abord; identifier préalablement les domaines à prioriser dans un plan stratégique de 5-10 ans, par la découverte et l’écoute active des parties prenantes autochtones et, ensuite, les impliquer dans sa mise en œuvre; valoriser les connaissances et les compétences endogènes.
Une politique industrielle intelligente mobilise les forces du secteur privé, de l’état, des syndicats, des éducateurs/trices, et de la société civile dans le but de renforcer la compétitivité économique propre.
Une industrie manufacturière solide et distinctive est essentielle: elle génère des économies d’échelle; suscite l’innovation et des produits et des industries nouveaux; a des effets multiplicateurs. Les politiques en matière de commerce, d’investissement, de R+D+i et d’éducation/formation doivent s’articuler autour de niches compétitives et tenant compte de ce que font les autres pays.
Les composantes territoriales et spatiales doivent s’intégrer sur la base de données probantes et inclusives, pour assurer des stratégies efficaces et innovantes. Les ministres africains ont une rare opportunité d’élaborer des politiques industrielles qui font rupture avec celles imposées dans le passé et de se situer entre le dogme centré sur l’État et celui centré sur le marché.
Ils peuvent soutenir des activités économiques qui activent une stratégie nationale, régionale et continentale intégrée et construire de nouvelles formes d’interaction public-privé pour une résilience économique. Surmonter la dépendance de trajectoire dépend d’une diversification des chaînes d’approvisionnement, de la fiabilité des partenaires, du respect mutuel, et de la confiance réciproque.
Ce n’est guère une question de révolution industrielle africaine sinon d’un développement industriel propre libéré de l’emprise des étrangers qui cherchent à protéger leurs intérêts au dépens de ceux des africains.
Astrid Ruiz enry