Le Forum des Transports de la Banque africaine de développement, qui se déroule du 18 au 20 septembre à Abidjan, a donné le ton, dès son ouverture, en pointant les nombreux défis sectoriels à relever, proposant des solutions et esquissant des perspectives.
Le thème du Forum, « L’Afrique en mouvement – accélérer la connectivité des transports et la logistique durables », est un appel à libérer l’énorme potentiel des transports pour l’intégration du continent et la prospérité des pays africains, selon les intervenants. Solomon Quaynor, vice-président du Groupe de la Banque africaine de développement, chargé du Secteur privé, de l’Infrastructure et de l’Industrialisation, a mis en lumière le travail de la Banque en matière de connectivité régionale et d’infrastructures résilientes au changement climatique. Il a détaillé les avancées obtenues avec le Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA), dont les « projets et programmes d’infrastructures transfrontalières touchent les secteurs principaux de l’énergie, des transports, des eaux transfrontalières et des technologies de l’information et de la communication ». Ce travail passe également par un soutien de la Banque aux Contributions déterminées à l’échelle nationale (CDN) et la mise en œuvre des conclusions de l’Accord de Paris.
Le transport, moteur de la croissance inclusive et de la création d’emplois
M. Quaynor a cité l’Africa Investment Forum (AIF), qui a été lancé en 2018 par la Banque et sept autres institutions multilatérales de développement, « en tant que marché d’investissement pour accélérer la réduction du déficit d’investissement du continent par la mobilisation de l’investissement privé ». Il est depuis devenu un marché important pour les investissements dans les infrastructures en Afrique. Les échanges entre panélistes ont mis en avant le rôle des transports en termes de croissance inclusive et de création d’emplois. Selon Frédéric Wiltmann, responsable d’équipe au Centre de coopération multilatérale pour le développement de la finance (Multilateral cooperation center for Development finance, MCDF), « la connectivité par les infrastructures doit produire la croissance et contribuer à la réduction de la pauvreté ; mais cela passe par des infrastructures abordables, résilientes et durables », a-t-il conclu. Abdoulaye Alliagui, directeur de cabinet adjoint au ministère ivoirien des Transports, a plaidé pour une réflexion commune afin d’accélérer la connectivité et la logistique durables. « Les transports comptent pour 7 à 10% du PIB national en Côte d’Ivoire. Il faut donc permettre aux populations d’accéder à des services de transport durables et compétitifs », a-t-il appelé.
Déficit de financement, de capital humain et de technologies numériques
De l’avis général des intervenants, le secteur souffre d’un déficit en termes de financements, de capital humain et de technologies numériques. Robert Lisinge, directeur par intérim de la Division du développement du secteur privé et des finances de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), a souligné la relation de complémentarité entre le commerce et les transports et les bénéfices espérés de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Il a signalé les grandes opportunités d’investissement dans l’industrie manufacturière liée aux transports et aux batteries électriques. « Il faut un vrai partenariat pour la connectivité », a-t-il lancé. S’agissant du transport ferroviaire, Lubinda Sakanga, directeur technique et des opérations de l’Association des chemins de fer d’Afrique australe (SARA) a appelé à sortir d’une « vision coloniale des transports ferroviaires basée sur l’extraction et le transport des matières brutes vers les ports africains. Le ferroviaire doit d’abord connecter les pays et les espaces régionaux africains », a-t-il plaidé. « Mais avant tout, il faut créer un écosystème ferroviaire car nous avons des compagnies mais pas de secteur ferroviaire : il faut un Plan directeur du secteur ferroviaire. » Pour Abdérahmane Berthé, secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines, qui a mis en place l’Indice de connectivité en 2019, « la connectivité facilite les mouvements de biens et de personnes ». Bien que plus étendu que l’Europe, le continent africain présente un indice de connectivité largement inférieur. « La connectivité aérienne est vitale pour le commerce et le développement, les affaires et le tourisme », a-t-il conclu. De grandes opportunités existent également dans les voies d’eau. Paul Adalikwu, secrétaire général de l’Organisation maritime de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, en a fait état au regard des voies navigables intérieures comme le Nil, le lac Tanganyka et le lac Victoria. Lors d’un panel sur « l’état de la connectivité en Afrique », Jean Jacques Bouya, ministre congolais du Développement, de l’Équipement du territoire et des Travaux publics, a souligné les efforts réalisés qui rendent désormais « possible de relier par route, l’Angola, le Gabon, et le Cameroun », prenant également pour exemples le Corridor de développement 13, qui doit relier Pointe Noire (Congo), Bangui (Centrafrique) et N’Djamena (Tchad), et le pont route-rail entre les deux Congo. Pour le ministre des Infrastructures du Burundi, Dieudonné Dukundane, « le chemin de fer est le seul moyen de changer la donne, surtout dans le cadre de la ZLECAf. Cependant des intervenants préconisent d’opter pour une démarche multimodale des transports afin de tirer parti des opportunités offertes par chaque système : route, rail, voies navigables, etc. ».
Nécessité de développer des partenariats solides entre pays
Les intervenants ont insisté sur la nécessité pour les pays africains de développer des partenariats solides. La ZLECAf offre un cadre pour tirer parti au mieux de la connectivité par les infrastructures. Le secteur de l’aviation souffre de différentes contraintes (taxation, accessibilité difficile, faible niveau de coopération entre compagnies aériennes, niveau des infrastructures) alors que les pays africains ont besoin de plus d’infrastructures interconnectées et plus de financements pour des infrastructures résilientes au changement climatique. La mise en place de corridors doit ouvrir à des opportunités économiques véritables pour tirer la croissance des pays et offrir de meilleures perspectives aux populations africaines. Cependant, la question du capital humain, qui tire l’innovation, a alimenté les discussions. La connectivité passe également par la facilitation du commerce entre pays avec des postes de contrôle frontaliers uniques ainsi qu’une harmonisation de la réglementation communautaire. L’utilisation optimale des outils numériques et de l’intelligence artificielle dans les systèmes de transport doit également être une option, ont relevé plusieurs intervenants. Autre solution mise en avant, la collecte de données fiables, y compris par satellite, pour prendre des décisions informées ou faire des affaires, doit être renforcée. Les intervenants se sont accordés sur le fait que les gouvernements africains devraient avoir des politiques harmonisées de développement des infrastructures, investir dans la formation, appuyer le Marché unique du transport aérien, renforcer les infrastructures de connectivité résilientes au changement climatique et tirer parti du grand potentiel de la ZLECAf.