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Meilleure note souveraine au Togo: Une opportunité pour financer davantage les PME


Le relèvement de la note par S&P envoie un signal positif aux investisseurs, mais l’enjeu reste de transformer cette dynamique en financement concret pour les PME.

L’agence de notation américaine Standard & Poor’s (S&P) Global Ratings a rehaussé, le 18 avril 2025, la note souveraine à long terme en devises locales et étrangères du Togo, la faisant passer de B à B+ avec une perspective stable. Ce relèvement, qui reflète la solidité croissante des fondamentaux économiques du pays, constitue une reconnaissance des efforts engagés sur le plan des réformes macroéconomiques et budgétaires. Mais au-delà du signal envoyé aux marchés, l’enjeu est désormais de transformer cette dynamique en financement concret pour le secteur privé, notamment les PME qui constituent plus de 99% des unités économiques du pays, si l’on inclut les entreprises individuelles sans comptabilité formelle.

Que signifie la note « B+ » attribuée au Togo par S&P ?

La note « B+ » récemment attribuée au Togo par S&P reflète une amélioration de la perception du risque financier du pays. Elle signifie, selon l’agence américaine, que le Togo est capable d’honorer ses engagements financiers, mais qu’il reste exposé à certaines vulnérabilités économiques.

C’est quoi, une note financière ?


La notation financière, aussi appelée notation de crédit, est une évaluation du risque de non-remboursement d’un pays ou d’une entreprise. Elle est délivrée par des agences spécialisées comme S&P, Moody’s ou Fitch, et sert de baromètre de confiance pour les investisseurs.

À quoi sert une notation financière ?


Pour les investisseurs : mesurer le niveau de risque d’un pays ou d’une entreprise avant de prêter de l’argent ou d’acheter une obligation.
Pour les États : la note influence les conditions d’accès au financement (taux d’intérêt, attractivité des emprunts).
Pour les entreprises : elle impacte la confiance des banques, des partenaires et des marchés.

Que veut dire « B+ » ?


Dans le système de notation de S&P, qui va de AAA (risque minimal) à D (défaut), la note B+ marque une étape encourageante dans l’évolution de la crédibilité financière d’un pays.

Elle appartient à la catégorie dite « spéculative », mais elle traduit surtout une amélioration tangible de la capacité de remboursement et une meilleure résilience économique. Par rapport à la note précédente (B), ce rehaussement reflète des fondamentaux plus solides, une gestion économique plus rigoureuse et une attractivité renforcée auprès des investisseurs internationaux.

S&P justifie ce relèvement par plusieurs facteurs clés :
Croissance économique soutenue : S&P projette une croissance moyenne du PIB de 6 % par an jusqu’en 2028, portée par une consommation dynamique, une inflation maîtrisée et des investissements publics dans des infrastructures stratégiques.
Performances des infrastructures : Le port autonome de Lomé, dont le trafic est passé de 14 millions de tonnes en 2016 à 30 millions en 2024, et la plateforme industrielle d’Adétikopé, attirant des investissements dans le coton, le soja et le textile, renforcent le rôle du Togo comme hub logistique régional.
Consolidation budgétaire : Le déficit budgétaire a été réduit de 6,7 % du PIB en 2023 à 4,6 % en 2024, avec un objectif de 3 % d’ici 2027. La dette publique devrait également diminuer pour atteindre environ 52 % du PIB en 2028.

Pourquoi cette amélioration de la note du Togo est stratégique ?

Cette nouvelle note du Togo pourrait ouvrir de nouvelles perspectives en matière de financement, d’investissement et de croissance :
Des emprunts publics à moindre coût : le gouvernement pourrait accéder plus facilement aux marchés financiers à des taux plus favorables, réduisant ainsi le coût global de la dette.
Un regain de confiance dans l’environnement économique : les investisseurs, tant locaux qu’étrangers, sont rassurés sur la stabilité macroéconomique du pays, ce qui peut encourager de nouveaux projets.
Un renforcement de l’attractivité du climat économique togolais : les entreprises évoluent dans un cadre perçu comme plus crédible, propice à l’innovation, au développement et à la prise de risque.

Elle agit ainsi comme un catalyseur de confiance, indispensable pour accélérer la mobilisation des financements privés et renforcer les investissements dans les secteurs porteurs.

Plus qu’une notation, le B+ constitue un signal de confiance à transformer en moteur de développement pour le secteur privé.

Pour le secteur privé togolais, cette amélioration peut se traduire par :
Une augmentation des flux d’investissements étrangers directs (IDE) dans les secteurs porteurs comme les infrastructures, l’agriculture, les énergies renouvelables ou les services logistiques ;
Un coup d’accélérateur pour les partenariats public-privé (PPP), essentiels pour financer des projets structurants à fort impact économique et social ;
Une meilleure mobilisation de capitaux en faveur de l’innovation, de la transformation industrielle et de l’entrepreneuriat, grâce à une perception de risque pays plus maîtrisée.

Un signal positif à renforcer par des réformes structurelles et une fenêtre pour dynamiser le financement des PME

L’amélioration de la note souveraine du Togo représente une opportunité clé pour le pays. Toutefois, afin que ses effets profitent pleinement au secteur privé, et plus particulièrement aux PME, il est essentiel de lever certains obstacles structurels. L’asymétrie d’information reste l’un des principaux freins à l’accès au financement bancaire. À cet égard, les pouvoirs publics et les institutions financières doivent jouer un rôle central dans la création d’un environnement plus favorable à une intermédiation financière inclusive et efficace.

Les autorités publiques ont un rôle crucial à jouer dans l’accélération de la digitalisation, aussi bien au sein de l’administration que dans les secteurs clés de l’économie. Ce virage numérique est indispensable pour générer des données fiables, traçables et interconnectées sur l’ensemble des acteurs économiques, en particulier les PME. En facilitant des dispositifs comme l’enregistrement en ligne, la géolocalisation, la traçabilité des flux financiers ou encore la facturation électronique, ces outils numériques permettent de mieux capter et structurer l’activité économique des petites entreprises, souvent cantonnées à l’informel. Cette formalisation progressive constitue un levier essentiel pour réduire l’asymétrie d’information, obstacle majeur à l’accès au crédit bancaire. Autrement dit, plus une entreprise est visible et traçable, plus elle devient « bancable » aux yeux des institutions financières, qui peuvent ainsi évaluer plus objectivement ses performances et ses risques.

Dans le même temps, au-delà des méthodes traditionnelles d’analyse des risques, centrées principalement sur les bilans financiers, l’ère numérique et de l’intelligence des données appelle les institutions financières à intégrer des données alternatives qui correspondent mieux aux spécificités du tissu entrepreneurial local. En créant des cellules spécialisées pour les PME et en adoptant des technologies innovantes, les institutions financières peuvent enrichir l’évaluation du risque avec des éléments qualitatifs et contextuels, tels que l’historique des paiements, le comportement du dirigeant, la réputation locale ou le capital-confiance, qui sont souvent plus révélateurs dans des environnements où les documents formels sont peu fiables ou inexistants. L’expérience montre que cette approche plus nuancée permet non seulement d’améliorer l’accès au crédit pour les PME, mais aussi de mieux ajuster les conditions de financement, notamment en termes de taux d’intérêt et de garanties exigées.

Transformer une avancée macro en impact micro

Le relèvement de la note souveraine du Togo est un jalon important, mais ce n’est qu’un levier de confiance. Pour traduire ce progrès en véritable croissance inclusive, il faut s’assurer que les PME, colonne vertébrale de l’économie togolaise, aient accès au financement dans de meilleures conditions. Le défi du développement passe désormais du « macro » au « micro » en mettant les PME au cœur de la stratégie de croissance.

Par Dr. Jean Koudjokoum TCHANGAI
Cadre de banque,
Chercheur, membre du Centre de Recherche sur les Entreprises Familiales et Entrepreneuriales (CREFE) et du LISST – Dynamiques Rurales (DR)
Auteur de Notation financière dynamique et dynamique des marchés financiers

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