Depuis janvier 2023, Yedau Ogoundélé dirige la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire de l’Uemoa (CRRH – UEMOA). À la tête de cette institution financière régionale, elle pilote la mise en œuvre d’une stratégie ambitieuse de mobilisation de ressources longues pour refinancer les banques et faciliter l’accès au logement des ménages à revenus modestes. À l’occasion du lancement de sa 10e émission obligataire, une obligation sociale de 60 milliards FCfa, la directrice générale revient sur la mission de la CRRH – UEMOA, ses résultats et les perspectives.
Vous avez lancé à Cotonou une obligation sociale de 60 milliards FCfa. Quel est l’objectif de cette opération et à qui s’adresse-t-elle ?
Dans nos sociétés, devenir propriétaire reste un objectif fondamental. Dès l’entrée dans la vie active, la pression familiale pousse souvent à acquérir un terrain et construire un logement. Mais jusqu’à récemment, les banques n’avaient pas accès à des financements à long terme pour répondre efficacement à cette demande.
C’est précisément la valeur ajoutée de la CRRH – UEMOA: fournir aux banques les outils financiers adaptés pour structurer une offre de crédit immobilier soutenable. Concrètement, nous mobilisons des ressources longues sur des maturités variant entre 15 et 17 ans sur les marchés financiers, que nous mettons à la disposition des banques. Celles-ci peuvent ensuite proposer aux ménages des prêts hypothécaires plus accessibles, en particulier pour l’acquisition de logements abordables dans les huit pays de l’Uemoa.
Quel rôle cette 10e émission joue-t-elle dans votre stratégie? Et que souhaitez-vous démontrer à travers cette opération ?
Cette émission marque une inflexion majeure. Il ne s’agit pas simplement de mobiliser des financements, il s’agit surtout de démontrer que les acteurs africains peuvent prendre en main leur propre développement. En lançant un appel public à l’épargne, nous voulons montrer qu’il est possible, à tous les niveaux, de contribuer à une transformation structurelle du marché du logement. Que vous soyez un particulier investissant 10 000 FCfa ou une institution apportant des milliards, votre participation permet d’orienter l’épargne vers un projet concret, utile, durable, et centré sur les besoins des populations. C’est ce que nous appelons une finance à impact social.
Certains estiment que la Crrh-Uemoa reste peu visible, malgré plus d’une décennie d’existence. Comment réagissez-vous ?
C’est une perception que nous comprenons. En réalité, nous sommes une institution spécialisée, opérant avec les banques, et pas directement avec les particuliers. Mais notre rôle est fondamental : nous sommes au service des établissements bancaires, pour leur permettre de proposer des produits à long terme à leurs clients.
Nous jouons un rôle d’amplificateur du crédit logement dans l’Union. Aujourd’hui, la demande est là, les solutions sont disponibles, et les premiers résultats sont tangibles. Nous comptons donc intensifier notre communication dans les mois à venir, pour mieux faire connaître notre action au grand public, mais aussi aux acteurs politiques et économiques de l’Uemoa.
Quels résultats concrets la Crrh-Uemoa a-t-elle obtenus depuis sa création ?
Ce que l’on peut retenir aujourd’hui de l’action de la CRRH – UEMOA, c’est un impact concret: près de 100 000 personnes directement touchées et environ 40 000 emplois générés à travers les opérations de refinancement conduites depuis 2012.
Dans le cadre de notre plan stratégique 2023–2027, notre ambition est claire : tripler cet impact au cours des cinq prochaines années, en nous appuyant sur l’élargissement de notre offre de solutions, désormais structurée autour du refinancement, de la garantie de prêts au logement et de la titrisation. À ce jour, la CRRH – UEMOAa mobilisé près de 500 milliards de FCfa de ressources, à la fois sur les marchés financiers régionaux et internationaux, ainsi qu’auprès de ses partenaires au développement. Sur les marchés régionaux, neuf émissions obligataires ont été réalisées, représentant environ 200 milliards de FCfa, auxquelles s’ajoute la dixième émission en cours, labellisée Social Bond. Par ailleurs, plus de 260 milliards de FCfa ont été levés sur les marchés internationaux et via des partenariats stratégiques, consolidant ainsi la capacité de l’institution à proposer des instruments à long terme adaptés aux besoins du secteur bancaire pour le financement de l’habitat.
Source : La Nation