L'économiste du Togo

Les agences de notation et la crédibilité de leur note

Moody’s est l’une des «3 grandes» agences mondiales de notation de crédit (en anglais CRA, Credit Rating Agency), toutes basées aux USA; elles sont accusées d’utiliser des notations douteuses. L’ONU elle-même, qui en 2002 avait salué l’initiative américaine CRA comme «une attaque contre la pauvreté dans les pays d’Afrique subsaharienne», déclara en 2023 que les CRAs coûtaient à l’Afrique $75 milliards par an, exacerbant ainsi ses problèmes d’endettement.

Les CRA sont des agences indépendantes (privées) qui fournissent des ESTIMATIONS ÉCLAIRÉES du niveau de risque associé à l’investissement dans un pays, y compris le risque politique. Dans leur processus de notation, elles doivent collecter des masses de données fiables et standardisées, difficiles à obtenir dans la plupart des pays africains, comme le Sénégal, avec de vastes économies informelles. Presque tous les analystes d’agence travaillent dans des centres financiers en dehors de l’Afrique, comme New York, Londres et Hong Kong.

En l’absence d’ensembles de données complets, opportuns et pertinents, il s’agit alors de pures suppositions sur le pays et sa capacité de payer sa dette, sur la solidité de ses dispositifs de gestion économique, sur l’efficacité de ses cadres institutionnels et réglementaires. Si, en outre, le processus implique un audit financier en cours, accorder du crédit à une notation d’une CRA revient essentiellement à accueillir une bombe de dette indésirable qui peut détruire le pays: une note favorable augmente la capacité d’un pays à accéder aux capitaux étrangers, mais une note défavorable entrave sa croissance et nuit à sa stabilité économique et politique.

Depuis des années, les analystes dénoncent que les notations des CRAs ne reflètent pas la perception réelle du risque et ne sont pas fiables: leurs méthodes manquent de transparence; il y a un manque de concurrence sur le marché de la notation de crédit; elles ne reflètent pas la réalité économique et sociale des pays; il y a des conflits d’intérêts (en raison du biais «national» et des biais inconscients et implicites liés à la subjectivité des notations et leur interprétation). Même le FMI critique les CRAs pour leur aggravation de crises économiques avec leurs baisses soudaines de notation.

L’UA prévoit de créer une CRA indépendante, afin d’éviter des notations erronées qui découragent les investissements sur le continent. Mais les pays africains doivent eux-mêmes les réglementer, afin d’éviter des annonces de notation impromptues d’agences dont les structures institutionnelles sont faibles et les processus ont une intégrité et qualité douteuses.

Astrid R.

Principal at Upboost LLC; VP for Africa at Oniva Motors

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